[2024] "Retour à l'état sauvage, un animal dans la peau" Printemps de la poésie en partenariat avec La Salamandre.
Parmi les 27 poèmes sélectionnés sur les 270. Opérez une mue cocasse, écrivez un poème en adoptant le point de vue d’un animal sauvage du continent européen. Vous pouvez lui donner une voix, révéler ses sensations et émotions ou encore inventer un dialogue. https://printempspoesie.lyricalvalley.org/resultats-du-concours/
Jury : Romain Bionda, maître-assistant en littérature comparée à l’Université de Lausanne, spécialiste en écopoétique / Laetitia Dumoulin, enseignante au Gymnase de la Cité engagée en faveur de la cause animale / Benoît Frund, vice-recteur pour la transition écologique et le campus de l’Université de Lausanne / Nathan Horrenberger, lobbyiste pour le vivant (Politiques de la biodiversité), jeune expert UICN droit et politiques environnementales, ancien rédacteur pour la revue Salamandre / Sofia Matos, rédactrice de la revue Salamandre / Colin Pahlisch, coordinateur de l’Observatoire des Récits et Imaginaires de l’Anthropocène (ORIA) et chargé de projet au Centre de compétences en durabilité (CCD-UNIL) / Nicolas Steffen, poète
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Neomys Anomalus
La bête s’appelle encore
Neomys Anomalus.
*
11700 ans,
Relique de l’ère glaciaire.
Eau de qualité insuffisante,
suffisante pour y nager
Fourrure grise et ventre blanc
dans les eaux limoneuses polluées.
Monoculture d’épicéas.
Drainage pour mise en valeur forestière.
Quatre pattes et cinq doigts griffus
caressent ton œil, s’usent et saignent,
à force de creuser la terre asséchée
de cette zone touristique sur-fréquentée
Mon long museau à moustaches
sent, ressent, pressent le danger
entre le limon et les sphaignes lentement décomposées.
Eutrophisation et brasier de Molinie.
Coquilles vides, limaces fondues, insectes disparus
de mes maigres festins à haute toxicité.
Je cours, j’esquive, je nage,
j’échappe à ton intrusivité.
Gare à ne pas t’embourber ici,
car la venimeuse t’a à l’œil, elle aussi.
Flaires-tu ma trace odoriférante musquée
qui glisse entre les laiches des bourbiers ?
Et la grève des eaux stagnantes, la sens-tu ?
Connais-tu le goût des vertigos édentés ?
Reconnais-tu le chant du pipit farlouse ?
C’est le parfum inconnu de la féralité.
Attrape-moi si tu peux.
Entre les parallèles 37° et 55° nord.
Vers le lac des Rouges-Truites.
Attrape-moi si tu peux.
Biffe ce nom en rouge de ta liste
Ni araignée - ni souris - ni soumise – ni musaraigne - ni anormale
ni Miller - ni mariée de force si ce n’est à mon terrier.
Neomys Anomalus
*
[2023] Lauréate 2nd prix, catégorie poésie du concours d'écriture "Dans les courants du fleuve" avec l'association Cap sur le Rhône.
Président du jury : Emmanuel Ruben.
https://www.capsurlerhone.fr/ateliers-concours-decriture-2022-23/
Δ ∞ δ
Dyade
46°36'12''N 8° 22' 57''E < ∞ > 43°19'59.2"N 4°50'48.1" E
Les paupières fermées, je te devine avant de te voir : odorant et indiscret. Ton chant familier me rassure.
Du Δ glacier au δ delta
Entre les deux
Rhône promesse d’∞
Je sursaute éclaboussée par le plongeon d'un crapaud des joncs. Il disparaît dans les herbiers...
Δ + δ = R H Ô N E = ∞
≠
A M O U R
Un autre fleuve ailleurs
Penchée sur tes eaux, nos visages se confondent. Le coeur au bord des rives, mon oeil pêcheur jette sa ligne déci-delà et remonte ton courant. Mon sourire plombé sonde ton lit. Une aigrette garzette le repêche et le coince dans son bec. On s'emmêle.
Rhône est désir
De l'eau-débit en m³/s
Soyons ◦ Félines ◦ Osons ◦ Le Doux
Je suis bercée par le va-et-vient hypnotique des éphémères qui prennent des ascenseurs invisibles.
Il la cherche à l'horizon
Rêve de flamant rose et d'eau salée
Neige rouge ◦ Nuit blanche ◦ Silence
Ciel au-dessus, eau en-dessous, mon esprit-bateau chavire ivre du parfum des bourgeons de peuplier noir !
Elle le cherche à l'horizon
Rêve de bruant des neiges et d'eau douce
Grande bleue ◦ Nuit noire ◦ cymbalisation
Sur tes berges, je piste les cocons de brindilles et de cailloux abandonnés par les Phryganes. Je parfais mon trésor de fragments de céramique colorés.
Chant de pierres et de baleines qui s'éteignent
Rhonegletscher recule au lieu d'avancer
Méditerranée suffoque au lieu d’oxygéner
Le temps file aussi vite que ton flot et parfois entre deux vagues : l'enfance.
Le miroir du monde à la dérive défile
Dans cet entre eux deux
Mise en abyme abysse
Avec elle, l'odeur de vase, d'amorce et de vivier qui sèche au soleil.
Offre-lui un bouquet d'Epipactis fibri
Elle aura des papillons dans le ventre
en forme d'hippocampe
Le creux de ma main me chatouille. Ce sont les Pinkies promis à l'hameçon. Tes bras morts de vie m'émerveillent à l'infini. J'y observe la poésie du fleuve. Le cosmos des eaux qui varie selon ton humeur météo.
Rhône est un « ich liebe dich »
Ein Versprechen der unendlichkeit
Vom Glestscher bis zum Meer
Te préférais-je au soleil ou sous la pluie ? En crue ou à sec ? Qu'importe...
Existe-t-il un plus grand bonheur que celui d'être près de toi ? Entre nous deux, ni glacier, ni mer.
Elle lui envoie des anguilles
Il lui répond des aprons
Rhône l'antre d'eux
Δ
∞ <3
δ
Rhône je t'aime à l'∞.
*
[2021] Festival «EXTRA» Centre Pompidou Paris - ZOODIAC Tombeau de bêtes
Embarcation en ligne sur la 6ème extinction.
Atelier d’écriture en ligne avec Pierre Vinclair, Vinciane Despret et Jean-Christophe Cavallin. Objet de l'atelier : animal choisi le mukade, période, post apocalypse, élément qui pleure la disparition du mukade : le sol.
>>> https://zoodiac21.wordpress.com/amandine-pollet/
Rupture
Séisme
Onde
Tsunami
Catastrophe nucléaire
Mukade
Terre
***
35° Nord 136° Est
Vestige d'un tombeau en ruine sur le Mont Mikami.
De fortes précipitations t'effacent lentement de ma surface
Je suis lessivée salement
Le bruit de la tuyauterie volcanique gronde
Climat agressif et roches divisées
La plaque de l’Amour tectonique soupire
Celle qui nous faisait voir la vie magnitude 7
Les vestiges d'un vieux sismographe s’emballe
Et dessine le contour de ton corps en S
La mer s'est retirée
Les sirènes d'alarme sonnent le glas
Reste le vague à l'âme
et tes reliques pour consolation
Nostalgie des temps passés
Lovée dans tes forcipules
Mille fois tu m’as retourné avec tes milles pattes
à la nuit tombée les soirs sans lune
Ci-gît Mukade
« Elle était à lui, il voulait la pénétrer, la féconder jusqu'au ventre »
Descente aux enfers
Avec mon étendue pour cimetière
Horizon 0
Décomposition
Horizon A
Humus affaibli
Horizon B
Minéraux abattus
Horizon C
Roche Mère dévastée
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[2021] ZOODIAC Tombeau de bêtes embarcation en ligne sur la 6ème extinction. Nos baîsers papillons en collaboration avec Pierre Vinclair et Jean-Christophe Cavallin. Ill arrive que le dernier individu d’une espèce soit d’une singularité inapaisable, incapable jusqu’à l’approche de la mort de ne pas transgresser les formes rituelles ou attendues, pour s’engager dans une entreprise qui n’eut jamais d’exemple – ou tout simplement, n’en faire qu’à sa tête : liste de provisions à emporter dans l’au-delà, inscription à adopteundernierspecimen.com, demande de mariage mixte, etc. Imaginer la forme de ce "dernier écrit".
https://zoodiac21.wordpress.com/damier-du-frene-amandine/
L'écriture est une sorte d'affluent de mon travail plastique Liste Rouge. Le papillon dont il est question dans Nos baisers papillons est le Damier du frêne. Il figure sur la liste rouge des insectes en danger critique d'extinction en Franche-Comté. Ce papillon entretien des relations spécifiques avec l'essence frêne. En effet, le frêne est la plante hôte du Damier du frêne à l'état larvaire. Les femelles pondent sur le revers des feuilles du frêne et les larves se nourrissent de celle-ci ensuite. Il s'agit d'une interspécificité. L'extinction du papillon est liée à l'anthropisation mais nous savons par ailleurs que le Frêne est sur le territoire français en plein état de dépérissement. Ce texte met en avant les phénomènes de coextinction. Mon poème est une lettre d'adieu d'un arbre donc à un papillon. Ce texte met en avant les phénomènes de coextinction.
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[2022] Helios et Circe
Helios le tournesol pareil au lion
Arbore sa couronne dorée.
Au cœur de ce soleil trublion
Misumena le crabe-araignée
Obscène les pinces écartées
Quemande au ciel son dîner
Huit yeux sur les nuages fixés
Qui attendent l'heure du décès.
Ce moment où viendra
Un bourdon innocent.
L'enlacer juste assez,
L'immobiliser,
La mort instantanée.
Adieu peluche ailée,
Repose en paix
Au cimetière des insectes emballés
Cruelle beauté déguisée en fleur.
[2022] Le Phare sous l'orage
Pour Auprès de mon arbre, les aventures immobiles de Quercus Robur de Pascal Bourguignon. Art et Nature, Déclic éditions.
Quel est ce feu
Dans cet océan de terre ?
Pas un jour,
Sans que mon regard ne se pose sur toi
De jour comme de nuit
Chère sentinelle guide moi
Sous l'orage à deux
Nous ne sommes plus solitaires
Ton houppier dessiné
Dans le bleu outremer,
Ma main glisse sur tes feuilles
Mon carré de soie
Pour s'abriter
Quel bel endroit
Je surveille l'horizon
A la dérive que faire ?
Gardienne de phare c'est mon métier.